ARTICLE PARU DANS LE MENSUEL FRANCE ARMÉNIE
Step and Chord une musique sans frontières, par Marie-Anne Thil.
Construire des ponts par les chants et les instruments de divers pays c'est le choix de Girayr Der Haroutiounian qui a fondé cet ensemble il y a une petite année. Diffusé sur la chaîne YouTube du groupe, il témoigne de la diversité et de la richesse des expressions musicales.
Quand il parle, il raconte posément, tranquillement, l’histoire de ce groupe entremêlé d’amitié et de partage, qui commence sur les bancs de la Sorbonne par la rencontre de deux musiciens en ethnomusicologie : lui-même et Yannick Lopes.
Alors que Girayr Der Haroutounian travaille sur les transcriptions du târ (un luth à manche long du Caucase), Yannick Lopes étudie les joutes oratoires (dialogues poétiques en présence d’un public) pratiquées dans le nord du Portugal. Ils décident de monter un groupe. Et ce, à partir des instruments et de leurs interprètes que Girayr Haroutounian choisit, car ils ont la même optique musicale que la sienne : le doudouk joué par Artyom Minasyan, le târ par Girayr Der Haroutounian, le dehol par Zadig Panossian (du groupe Navasart), l’accordéon par Yannick Lopes et
la guitare et le chant par Paul Raquet.
L’objectif du groupe est de créer une musique nouvelle en puisant dans les sources de pays différents, des chants traditionnels et des mélodies populaires. Ils établissent aussi des rapprochements musicaux sur des thèmes communs. Ainsi, le répertoire de Step and Chord sur sa chaîne YouTube, en propose
un exemple, intitulé « Suite Romarin » construit à partir de différents chants qui parlent de sa symbolique,
(l’amour filial, divin...) et qui viennent de France, du Liban, du Portugal, de la
Grèce …
Chaque chant de ce répertoire possède une histoire comme celui intitulé Nagorny Karabach qui fait le lien entre plusieurs personnes : un écrivain, un compositeur et un musicien. L’histoire mérite d’être racontée : il était une fois un journaliste écrivain polonais Ryszard Kapuściński (1932-2007), qui se rendit
au Karabagh sous la période soviétique et revint de son voyage complètement bouleversé. Il le raconte dans son livre Imperium (1999) : “ C’est un des plus beaux endroits que j’ai jamais vus ”.
C’est alors que Blixa Bargeld, fondateur du groupe underground allemand légendaire Einsturzende Neubauten, lit ce récit et compose la chanson Nagorny Karabach en 2004. Puis, Girayr Der Haroutounian la traduit en arménien occidental en y ajoutant une improvisation au doudouk, au târ, à l’accordéon et au dehol.
D’autres influences, des métissages viennent parsemer les compositions originales du quintet : Avo Djan, chanté en arménien oriental et revitalisé “ avec des accents rock ”, Tchem Kider en arménien occidental : “ On rend la mélodie plus orientalisante ”. Le dernier morceau de la vidéo YouTube est
Karoun, composé sur un texte issu de la tradition populaire : “ Les sonorités graves du début laissent éclore lentement l’arrivée du printemps. Le doudouk et le târ nous montrent un chatoiement de couleurs verdoyantes ”. Pour Girayr Der Haroutounian : “ Les Arméniens ont besoin d’un printemps et je pense qu’il va bientôt revenir ”. Qu’il soit entendu !
D'ARMÉNIES EN PORTUGALS UNE MUSIQUE PLURIELLE
Suite au concert du 11 décembre 2023 au Poinçon. Rédigé par Aramis Dartagnan et paru dans le quotidien Nor Haratch, le 5 janvier 2023. Crédit Photo Alain Vartan.
Malgré le froid glacial de ce dimanche 11 décembre 2022, un public nombreux et chaleureux est venu écouter Step and Chord au Poinçon. Cette ancienne gare de la Petite Ceinture parisienne, à la Porte d’Orléans, est désormais devenue un restaurant et un lieu culturel incontournable de la capitale.
Qui est Step and Chord, qui apparaît régulièrement sur le web depuis octobre dernier ? Un groupe de cinq musiciens et une chanteuse : Artyom Minasyan au doudouk, Girayr Der Haroutiounian au târ, Paul Raguet à la basse, Yannick Lopes à l’accordéon, Zadig Panossian au dehol et, qui nous a enchantés par sa magnifique voix, Mélanie Nittis. Un nom anglais qui va parfaitement à ce groupe qui nous a transporté des « Arménies » vers des « Portugals », en sillonnant le Bassin méditerranéen. Step and Chord trouve son zénith à Paris, capitale de la culture, pour son premier grand concert.
Le concert a débuté par des accords rythmés et saccadés proches du rock, qui ont annoncé un chant dédié à un héros arménien, Monte Mèlkonian. Puis a succédé un hymne au romarin, « une plante qui pousse sans être semée ». Cette suite a été chantée en grec, en portugais et en arménien. La première partie nous a permis d’entendre des mélodies klezmers et des compositions originales empreintes de jazz. Elle s’est conclue sur la reprise du morceau Nagorny Karabach du groupe allemand Einsturzende Neubauten. Dans cet arrangement en arménien et en français du texte original en allemand, de magnifiques solos ont parsemé ce morceau très poétique, lui-même lancé et soutenu par une « walking bass » originale.
Dans la seconde partie, Step and Chord nous a entraînés dans une folle parodie « à la tzigane » de Mon amant de Saint-Jean traduite en arménien. Tout aussi dense en pièces musicales festives ou méditatives, cette seconde partie a montré la haute capacité technique instrumentale et la virtuosité de ces musiciens. Le solo de la percussion dehol en a été un exemple : comment sur une simple peau est-il possible d’obtenir des sons et des rythmes aussi variés et complexes ? Le dernier morceau, Karoun, également une composition, nous a enchanté par les qualités vocales de Paul et Mélanie en arménien, qui n’est pas leur langue ! Nous espérons que ce morceau sera un renouveau pour les Arméniens…
Les spectateurs ont longuement applaudi le groupe Step and Chord, qui a proposé pour conclure une danse Tamzara. Le public a alors rejoint deux membres du groupe pour former une ronde effrénée qui a résonné dans la salle du Poinçon.
Alors STEP, les pas de danse et CHORD, des accords musicaux ?
Longue vie à Step and Chord, un nouveau groupe enchanteur !